EXPRESSIONS IMAGÉES
À LA MANIÈRE DE BEN VAUTIER
Valentino Carnevale
Manuel Gualix
Ana Casas
Carol Moreno
Raimond QUENEAU. Les Exercices de style et les cinq sens.
Une même histoire racontée de mille façons différentes. Est-ce qu’on peut trouver quelques traits, quelques points en commun qui nous permettent de la reconnaître? Ou les différentes versions transforment l’histoire originale qui devient alors méconnaissable ?
Et si ces variations proviennent de l’observation de faits d’après un seul des cinq sens ?
Pour le pastiche des Exercices de style mon choix est tombé sur «l’ouie ». Pendant sa préparation, en abordant la description d’un simple voyage dans un autobus, j’ai découvert les sons, les bruits qui nous entourent dans notre vie quotidienne et leur pouvoir d’évocation de la réalité et de notre propre subjectivité.
On vous présente notre collaboration, des Exercices de style, a ajouter à ceux de Queneau.
EXERCISE DE STYLE: LE TOUCHER
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Je monte dans un bus où les gens se frôlent les uns contre les autres. Les gens touchent le bouton et s'enfuient de cet environnement collant. Un homme rude avec un cou déformé utilise des mots piquants avec d'autres utilisateurs. Quelques mots enflammés passent entre lui et une autre personne, à cause de mouvements maladroits. Après un certain temps je réalise une touche rugueuse, c'est le même homme! Il n’a pas de bouton délicat qui caresse son manteau.
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Alex Sahuquillo
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L'OUÏE
Après avoir attendu le bus, avec un sentiment d’étourdissement à cause de l’incessant concert déréglé des bruits de l’embouteillage, monter dans l’autobus a été comme rentrer dans une boîte remplie d’haut-parleurs dans chaque coin, qui résonnaient comme des tambours sur ma tête.
Une voix masculine avec une pénétrante nuance d’impétueuse jeunesse dominait le choeur de voix parlantes et se dirigeait aux uns et aux autres. Voix qui s’est éteinte une fois qu’elle a réussi à s’asseoir.
Plus tard j’entends de nouveau cette voix particulière qui rigole avec une otre jeune voix sur un bouton de son pardessus.
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Ana Casas
LE TOUCHER
Sur la forme plate de la plateforme brûlante, en attente que le bus affleure, on touche du bout des doigts l’horaire jamais respecté sur le tableau rugueux.
Une fois dans le bus, tout le monde bras dessus, bras dessous: la sensation tactile est écrasante. La chaleur charnelle se fait tangible. Des attouchements de mains, de cuisses, de fesses… les chairs vont se joindre à leur insu. À cause de ces palpations parfois involontaires, la texture veloutée ou âpre des limitrophes, les nerfs sont à fleur de peau.
Un jeune à l’air aussi relâché que son chapeau, l’allure d’avoir trop mis ses jambes à son cou élastique, gommeux comme pâte à modeler, appuie sur le bouton afin de demander l’arrêt. Un voisin très proche lui reproche de le frôler chaque fois qu'il lui passe devant. Aucun de nous ne voulait y être, pour se faire manipuler, en recevant ces caresses de mauvais gré. Pourtant on saisit plus fort la barre d'appui, il faut avoir de la patience et prendre courage.
Ensuite il vise une place libre, il tâte le terrain et il s’y lance dessus.
À l’arrêt suivant, les gens descendent et se saluent: “On reste en contact!”
Quelques heures plus tard, tandis que je m’approche de la gare Saint-Lazare, je le revois, les mains empochées dans son pardessus déchiré. Il se palpe en cherchant le bouton perdu du col de son manteau.
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Valentino Carnevale
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PETITE NOTE D'AMOUR
"Dans le cadre des activités dont la cible était de pratiquer l'opposition et la restriction, on s'est beaucoup amusé en rédigeant des petites notes d'amour. Chacun a choisi son style et a transmis ses émotions. Le résultat? Une tâche vraiment à... aimer ! "
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À Denise
Le soleil rayonnant sur votre minois
alors que c'est l'hiver partout chez moi,
si vous ne m'aimez pas, ma fleur de lys,
je vais geler tout seul, jolie Denise.
J'ai beau essayer de ne pas penser à vous:
malgré tous mes efforts, sachez toujours
que, quoique mon cœur soit vide et sa vie grise
il vrombirait pour vous, ma p'tite Denise.
Même si mon cœur est une flèche irrépressible
qui en âme et corps vous considère sa cible,
il fera tout ce qu'il faut pour que rien ne vous nuise
tandis qu'il vous désire, ma douce Denise.
Pourtant, si cet amour que je vous porte
ne vous convient plus, bien qu'il soit si fort
évidemment, emballées mes valises,
je partirai loin de vous, si cruelle Denise.
Valentino Carnevale
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Tandis que je perςois comment ton regard intense sur moi devient affectueux, je fais semblant de ne pas m’en rendre compte.
Alors que tu connais bien tes sentiments, moi, je suis dans l’incertitude.
Ana Isabel Casas